Les femmes qui voyagent sont libres

Publié le 19 août 2022
NL d'été #3 : Le voyage
Dans cette dernière newsletter avant la rentrée, nous avons choisi de vous parler de voyage. Longtemps, le fait de partir à laventure a été pensé comme une activité masculine. Pourtant, comme le rappelle l’autrice Lucie Azema, les voyageuses ont toujours existé. Cette adepte du dépaysement, qui a vécu au Liban, en Inde et en Iran, nous explique pourquoi le voyage constitueà ses yeux, une expérience de liberté très précieuse pour les femmes.

Pendant très long­temps, le voyage et la décou­verte dautres cultures ont été pen­sés comme le pré carré des hommes. Comment cela sexplique-t-il ?

Il sagit dune répar­ti­tion sociale de lespace : laven­ture et les espaces infi­nis ont été pen­sés comme lespace des hommes. Tandis que lespace clos – en par­ti­cu­lier le foyer – est consi­dé­ré comme appar­te­nant aux femmes.
On retrouve dans les mythes de très nom­breuses civi­li­sa­tions lidée quun gar­çon doit par­tir à laven­ture pour deve­nir un homme. Dans le monde occi­den­tal, par exemple, Ulysse, le héros de L’Odyssée d’Homère, par­court le bas­sin médi­ter­ra­néen. En miroir, on trouve le per­son­nage de Pénélope, qui reste chez elle à tis­ser et détis­ser son ouvrage afin de lui res­ter fidèle.
En réa­li­té, les femmes ont tou­jours voya­gé. On dit même que le pre­mier récit de voyage est celui dune femme, Égérie, qui a décrit son périple entre­pris en Terre sainte entre 381 et 384. Mais elles nont pas autant voya­gé que les hommes, pour la simple et bonne rai­son quelles ont moins eu accès à l’éducation et que, sou­vent, elles ne dis­po­saient pas de leur propre argent. Quant à celles qui ont effec­ti­ve­ment entre­pris des voyages, elles ont été invi­si­bi­li­sées, et leurs récits ont été moins publiés que ceux des hommes.

Parmi ces aven­tu­rières, les­quelles vous ont le plus mar­quée ?

Je cite­rais Alexandra David-Néel, qui a voya­gé au début du XXe siècle et qui est vrai­ment excep­tion­nelle. Elle a annon­cé à son mari quelle par­tait quelques mois seule­ment, et nest reve­nue que 15 ans plus tard. Cest la pre­mière Européenne à être entrée dans Lhassa, la capi­tale du Tibet, qui était alors inter­dite aux étrangers.
David-Néel est vrai­ment laven­tu­rière la plus célèbre, mais jai décou­vert qu’il y en avait des cen­taines dautres, dont on parle beau­coup moins. Jaime énor­mé­ment Isabelle Eberhardt, qui a voya­gé en Algérie à la fin du XIXe siècle, habillée en cava­lier arabe. La manière dont elle parle des gens tranche com­plè­te­ment avec les récits mas­cu­lins, on sent quelle a une empa­thie et un vrai désir de com­prendre. Et elle a une écri­ture sublime !

NL d'été #3 : Le voyage. Photo de Orientaliste, journaliste et féministe, Alexandra David-Néel

Orientaliste, jour­na­liste et fémi­niste, Alexandra David-Néel a vécu jus­qu’à l’âge de 101 ans. Crédit pho­to : Alamy/Keystone Press

Pour ces femmes, voya­ger était-il une manière de s’affranchir de leur condition ?

Oui, beau­coup de femmes se sont mises à voya­ger car elles voulaient

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