Alors que 12 millions d’élèves font leur rentrée cette semaine, où en est la prise en charge des violences sexistes et sexuelles dans les établissements ? Neuf ans après la panique morale provoquée par les ABCD de l’égalité (lire notre article dans le numéro 7 de La Déferlante), les réflexions sur le genre restent apparemment un angle mort des enseignements et de la vie scolaire.
Yuna Visentin, professeure de français, restera longtemps marquée par ce débat organisé, il y a quelques années, dans une de ses classes de troisième : « Les hommes doivent-ils protéger les femmes ? » D’un exercice banal, l’expérience se transforme en fiasco pédagogique : des garçons prennent seuls la parole et empêchent les filles de s’exprimer, jusqu’à l’altercation.
Cette anecdote, qui ouvre l’essai qu’elle publie en cette rentrée, en dit long, selon elle, sur la difficulté à interroger les logiques de domination au sein d’une institution historiquement sexiste. « Dès sa naissance vers 1880, explique la professeure, le projet politique de “l’école républicaine” a été de séparer filles et garçons, renforçant de fait la binarité, l’hétéronormativité et les assignations de genre, en vue de l’exploitation par les hommes des personnes assignées femmes. Les textes de Jules Ferry sont très clairs sur la nécessité de préparer les filles à être des femmes au foyer. »
Les enseignant·es ne sont pas formé·es sur les questions de genre
Et si la mixité s’est mise en place dans les années 1960, « cela s’est fait sans aucun accompagnement pédagogique » et, aujourd’hui encore, sans « réelle mise à distance institutionnelle de cette histoire ». Pour Yuna Visentin, les violences subies à l’école par les personnes minorisées « ne sont pas un débordement », elles « organisent notre société », précise-t-elle. « Elles arrangent la société patriarcale, car elles nous minorent, nous paralysent. C’est très clair avec les violences racistes, mais c’est également vrai pour le sexisme. »
Pourtant, il serait faux d’affirmer que l’Éducation nationale ne s’est pas emparée de ces questions : « Si l’on se réfère aux circulaires, la question du genre est bien abordée », explique Séverine Pinaud, professeure de cinéma-audiovisuel dans un lycée toulousain et membre du collectif Ça commence à l’école. « Dans les textes, il est clairement énoncé que le genre est une construction sociale qui entraîne des violences contre lesquelles il faut lutter. »
Pour la professeure Yuna Visentin, le modèle d’école pensé par Jules Ferry, renforce la binarité et les stéréotypes de genre. Crédit photo : Google creative commons.
Les protocoles en place sont méconnus ou
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