Attaquer les violences à la racine

Le gou­ver­ne­ment com­mu­nique à l’envi sur la lutte pour l’égalité femmes-hommes, pour­tant le nombre de plaintes pour viols et agres­sions sexuelles ne cesse d’augmenter depuis cinq ans. Quant aux fémi­ni­cides, les chiffres res­tent tou­jours aus­si éle­vés. Et si, pour bri­ser le conti­nuum des vio­lences – dans la sphère intime comme dans l’espace public –, il fal­lait d’abord s’attaquer aux sté­réo­types de genre et aux idées reçues sur la sexua­li­té ? En par­te­na­riat avec l’association En avant toute(s), La Déferlante orga­nise, le mer­cre­di 22 mars, une fête sur le thème des sexua­li­tés non violentes. 
Publié le 17 mars 2023
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Assia Matoug avait 46 ans. Elle vivait à Montreuil, en Seine-Saint-Denis avec ses trois enfants et son mari Youssef. Le 13 février der­nier, son corps démem­bré a été retrou­vé dans le parc des Buttes-Chaumont, à Paris. Quelques jours plus tard, son époux est pas­sé aux aveux : il l’aurait étran­glée, décou­pée en mor­ceaux dans la cui­sine fami­liale, puis trans­por­tée en auto­bus, dans un cad­die de super­mar­ché, jusqu’à ce parc très fré­quen­té du Nord-Est parisien.

Ce meurtre est le 19e fémi­ni­cide depuis le début de l’année. Dans les jours qui ont sui­vi, plu­sieurs femmes ont encore été tuées, le plus sou­vent par un conjoint ou un ex-conjoint. Comme dans la majo­ri­té des cas, elles avaient préa­la­ble­ment signa­lé les vio­lences qu’elles subis­saient aux auto­ri­tés, par­fois por­té plainte. Cela n’a pas suf­fi à les protéger.

Selon une étude publiée par le minis­tère de l’Intérieur en août 2022, 64 % des vic­times de fémi­ni­cide avaient préa­la­ble­ment signa­lé aux forces de l’ordre les vio­lences qu’elles subis­saient. Photo prise en 2020, à Besançon. Crédit illus­tra­tion : Creative commons.

L’Observatoire natio­nal des vio­lences faites aux femmes estime que chaque année, en France, 213 000 femmes sont vic­times de vio­lences phy­siques ou sexuelles de la part d’un par­te­naire ou d’un ancien par­te­naire. Dans le même temps, 94 000 d’entre elles sont vic­times de viol ou de ten­ta­tive de viol. 11 % ont fait l’objet d’injures, d’insultes ou de dénigrement.

La réponse poli­tique marque un temps de retard

Face aux sta­tis­tiques qui ne désenflent pas, la réponse poli­tique marque un temps de retard. Le 8 mars der­nier, la Première ministre Élisabeth Borne annon­çait en grande pompe son « grand plan pour l’égalité entre les femmes et les hommes ». Il pré­voit notam­ment la mise en place de pôles spé­cia­li­sés dans les vio­lences conju­gales au sein des tri­bu­naux, l’ouverture, à l’horizon 2025 d’une « mai­son des femmes » par dépar­te­ment, sur le modèle de celle de Saint-Denis, ou encore la déli­vrance d’ordonnances de pro­tec­tion sous 24 heures pour les femmes jugées « réel­le­ment en dan­ger ». Montant de la fac­ture : « plu­sieurs cen­taines de mil­lions d’euros », selon Matignon, mais tou­jours pas le mil­liard récla­mé depuis 2017 par les asso­cia­tions. Par ailleurs, l’accent est mis, encore une fois, sur l’accueil des vic­times et sur les sanc­tions pro­mises aux agres­seurs. Mais que fait, au juste, l’exécutif pour empê­cher que les vio­lences ne se pro­duisent ? […] LIRE LA SUITE

UNE FEMME SUR SIX COMMENCE SA VIE SEXUELLE PAR UN RAPPORT NON CONSENTI.

Nous l’avons maintes fois docu­men­té à La Déferlante, les insultes, les agres­sions, les meurtres – qu’ils aient pour motif le genre ou l’orientation sexuelle – trouvent une par­tie de leur ori­gine dans des sté­réo­types actifs dès le plus jeune âge. La vio­lence com­mence dès l’école, lorsqu’on sou­lève les jupes des filles, lorsque le mot « pédé » sert d’insulte pour un gar­çon qui ne court pas assez vite après le bal­lon. Elle se pour­suit à l’adolescence et lors des pre­mières rela­tions sexuelles, quand un silence est consi­dé­ré comme un oui. Selon une enquête réa­li­sée par le col­lec­tif Nous toutes en 2020, une femme sur six com­mence sa vie sexuelle par un rap­port non consenti.

En 2013–2014, le fias­co des ABCD de l’égalité dans les écoles élé­men­taires a son­né le glas de toute ten­ta­tive de pré­ven­tion des sté­réo­types de genre auprès des élèves. Malgré tout, depuis 2001, la loi pré­voit bien, pour tous les élèves des écoles, col­lèges et lycées, trois séances d’éducation sexuelle par an, incluant un cha­pitre sur les vio­lences et le consen­te­ment. Mais ce texte est trop peu sou­vent appli­qué, au point que le 2 mars der­nier, trois asso­cia­tions – SOS homo­pho­bie, Sidaction et le Planning fami­lial – assi­gnaient l’État en jus­tice. Selon leur com­mu­ni­qué, « seules 15 % des per­sonnes âgées de 15 à 24 ans déclarent avoir béné­fi­cié de plus de six séances dans toute leur sco­la­ri­té et 17 % déclarent n’en avoir jamais reçu ». En face, les chiffres du minis­tère de l’Intérieur témoignent pour­tant de l’urgence à agir : entre 2020 et 2021, les plaintes pour vio­lences sexuelles hors du cadre intime ont aug­men­té de 24 %, et même de 77 % sur les cinq années qui précèdent.

Une soi­rée fes­tive qui célèbre les sexua­li­tés consenties

C’est dans l’idée d’évoquer la sexua­li­té dans ce qu’elle a de plu­riel, d’inclusif de non violent qu’à La Déferlante, nous avons conçu notre der­nier numé­ro. C’est dans cet esprit éga­le­ment que nous orga­ni­sons, en par­te­na­riat avec l’association En avant toute(s), une soi­rée de dis­cus­sion et de fête au Rosa Bonheur des Buttes-Chaumont, à Paris. Elle devait ini­tia­le­ment avoir lieu le 16 février, soit trois jours après la décou­verte, dans ce même parc, du corps vio­len­té d’Assia Matoug. Nous avons fait le choix de repor­ter cet évé­ne­ment au mer­cre­di 22 mars.

En la mémoire de cette femme, mais aus­si de toutes les vic­times des vio­lences sexistes et sexuelles, nous vous pro­po­sons, ce soir-là une séance d’échanges avec la fon­da­trice du compte Instagram fémi­niste Merci Beaucul et Elvire Duvelle-Charles de La Clit révo­lu­tion, sur ce que peut être une sexua­li­té joyeuse et consen­tie. Nous pour­sui­vrons la soi­rée en dan­sant. D’abord avec le Danceoké d’En avant toute(s) pour nous réap­pro­prier nos corps autant que la piste de danse. Puis avec le trio de DJ Go Gouines du label Sœurs mal­saines. L’entrée est libre et gra­tuite. Pour sou­te­nir la soi­rée et contri­buer à la lutte contre les sté­réo­types et les vio­lences de genre, vous pou­vez éga­le­ment par­ti­ci­per à notre tom­bo­la [voir l’en­ca­dré]. L’argent récol­té sera rever­sé à parts égales à En avant toute(s) et à La Déferlante.

Alors à mercredi ?

→ En sou­ve­nir d’Assia Matoug et de toutes les autres vic­times de fémi­ni­cides, plu­sieurs orga­ni­sa­tions fémi­nistes mon­treuilloises orga­nisent une marche silen­cieuse, le mar­di 21 mars, à par­tir de 18 heures. 

→ Retrouvez la revue de presse ain­si que les coups de cœur de la rédac­tion juste ici.

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