L’École se moque-t-elle des questions de genre ?

Publié le 2 septembre 2022
L'École se moque t-elle des questions de genre
Alors que 12 millions d’élèves font leur rentrée cette semaine, où en est la prise en charge des violences sexistes et sexuelles dans les établissements ? Neuf ans après la panique morale provoquée par les ABCD de l’égalité (lire notre article dans le numéro 7 de La Déferlante), les réflexions sur le genre restent apparemment un angle mort des enseignements et de la vie scolaire.

Yuna Visentin, pro­fes­seure de français, restera longtemps marquée par ce débat organisé, il y a quelques années, dans une de ses classes de troisième : « Les hommes doivent-ils protéger les femmes ? » D’un exercice banal, l’expérience se trans­forme en fiasco péda­go­gique : des garçons prennent seuls la parole et empêchent les filles de s’exprimer, jusqu’à l’altercation.

Cette anecdote, qui ouvre l’essai qu’elle publie en cette rentrée, en dit long, selon elle, sur la dif­fi­cul­té à inter­ro­ger les logiques de domi­na­tion au sein d’une ins­ti­tu­tion his­to­ri­que­ment sexiste. « Dès sa naissance vers 1880, explique la pro­fes­seure, le projet politique de “l’école répu­bli­caine” a été de séparer filles et garçons, ren­for­çant de fait la binarité, l’hétéronormativité et les assi­gna­tions de genre, en vue de l’exploitation par les hommes des personnes assignées femmes. Les textes de Jules Ferry sont très clairs sur la nécessité de préparer les filles à être des femmes au foyer. »

Les enseignant·es ne sont pas formé·es sur les questions de genre

Et si la mixité s’est mise en place dans les années 1960, « cela s’est fait sans aucun accom­pa­gne­ment péda­go­gique » et, aujourd’hui encore, sans « réelle mise à distance ins­ti­tu­tion­nelle de cette histoire ». Pour Yuna Visentin, les violences subies à l’école par les personnes mino­ri­sées « ne sont pas un débor­de­ment », elles « orga­nisent notre société », précise-t-elle. « Elles arrangent la société patriar­cale, car elles nous minorent, nous para­lysent. C’est très clair avec les violences racistes, mais c’est également vrai pour le sexisme. »

Pourtant, il serait faux d’affirmer que l’Éducation nationale ne s’est pas emparée de ces questions : « Si l’on se réfère aux cir­cu­laires, la question du genre est bien abordée », explique Séverine Pinaud, pro­fes­seure de cinéma-audiovisuel dans un lycée tou­lou­sain et membre du collectif Ça commence à l’école. « Dans les textes, il est clai­re­ment énoncé que le genre est une construc­tion sociale qui entraîne des violences contre les­quelles il faut lutter. »

 

Pour la pro­fes­seure Yuna Visentin, le modèle d’école pensé par Jules Ferry, renforce la binarité et les sté­réo­types de genre. Crédit photo : Google creative commons.

Les pro­to­coles en place sont méconnus ou

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