Travailler moins, espérer plus

L’espoir est le fil rouge du prochain numéro de La Déferlante consacré au thème du travail, dis­po­nible en prévente dès aujourd’hui. Un fil rouge qui peut paraître étonnant tant la période que nous vivons est dure. Mais c’est bien l’espoir de changer ce monde en pleine bascule qui nourrit les luttes fémi­nistes, LGBT+ et antiracistes.
Publié le 29 janvier 2025
Le numéro 17 de La Déferlante sortira le 21 février en librairie. Il est dis­po­nible dès main­te­nant en prévente sur notre site. Illustration cou­ver­ture : Lucile Ourvouai pour La Déferlante.

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°17 Travailler, parue en février 2025. Consultez le sommaire.

Le 24 octobre 1975, des dizaines de milliers d’Islandaises décident d’arrêter le travail. En grève ! 90 % d’entre elles refusent de faire à manger, de garder les enfants et d’aller au travail. Évidemment, le pays tout entier est bloqué pendant vingt-quatre heures : les écoles, les magasins et les banques restent fermées, tandis que les usines tournent au ralenti.

Cette histoire que nous vous racontons dans notre prochain numéro, dont le dossier central porte sur le thème « Travailler », est riche d’enseignements. Elle invite à repenser les fron­tières si minces qui séparent, pour les femmes, le travail rémunéré du travail gratuit. Elle met en lumière la relé­ga­tion des femmes racisées et/ou issues des classes popu­laires aux emplois précaires et mal payés. Elle montre aussi les inéga­li­tés sala­riales, qui per­sistent aujourd’hui, notamment en France où les femmes per­çoivent des revenus infé­rieurs de 23,5 % à ceux de leurs collègues masculins. Enfin, cette lutte his­to­rique rappelle que la grève féministe est un outil révo­lu­tion­naire qui peut faire bouger les lignes. Ainsi, dans la foulée du 24 octobre 1975, les Islandaises obtiennent, entre autres, le droit à l’avortement, la création de crèches et des gages d’égalité.

L’espoir que font naître ces luttes vic­to­rieuses – dont la mémoire est trop rarement transmise – guide les col­lec­tifs et orga­ni­sa­tions qui se battent pour une grève féministe dans le monde et en France. Elle est à leurs yeux un redou­table outil de blocage, qui permet aussi « de se dégager du temps pour élaborer et construire ensemble le monde auquel on aspire et que l’on mérite », comme l’explique dans notre article Val, une militante du collectif NousToutes35 à Rennes.

Penser la complexité des expériences

L’espoir de mieux gagner leur vie et d’être davantage entendues et reconnues anime celles dont le travail est invi­si­bi­li­sé et peu rému­né­ra­teur. Dans ce numéro, nous sommes ainsi allées à la rencontre des sar­di­nières de l’usine Saupiquet qui fermait ses portes en décembre à Quimper ; des assis­tantes mater­nelles dont le travail essentiel se situe au croi­se­ment d’enjeux de genre et de classe sociale ; des agri­cul­trices qui peinent à redonner du sens à leur travail à cause de la pression du rendement ; enfin, des tra­vailleuses du sexe (TDS), qui alertent depuis la loi de 2016 sur la pré­ca­ri­sa­tion de leurs condi­tions de travail. Leur présence dans notre dossier sur le travail ne manquera d’ailleurs pas de faire débat. Mais, comme dans tous nos articles, nous avons tenu à recueillir le point de vue des premières concer­nées. Une nécessité que résume Ting, une des femmes inter­viewées pour ce reportage : « Nous sommes tous·tes contre l’exploitation. Une fois que c’est dit, comment fait-on pour arriver à discuter et penser la com­plexi­té des expé­riences de vie [des TDS] sans qu’elles soient ignorées ? »


« L’espoir et la pers­pec­tive d’un monde qui change ne viendront de nulle part ailleurs que de nous-mêmes. » 

Goundo Diawara


Dans ce numéro, vous ne trouverez pas la rencontre habi­tuelle entre deux per­son­na­li­tés mais un grand entretien avec la militante féministe et anti­ra­ciste états-unienne Angela Davis, mené par la jour­na­liste et autrice Rokhaya Diallo. À l’heure où Donald Trump prend ses fonctions à la Maison Blanche, Angela Davis affirme avec force « l’exigence absolue » d’espoir : « C’est un élément essentiel de la mobi­li­sa­tion contre la menace imminente du fascisme. Trouver des moyens de générer de l’espoir relève de notre res­pon­sa­bi­li­té d’activistes. » C’est ce même discours que porte la militante anti­ra­ciste Goundo Diawara dans sa chronique : « L’espoir et la pers­pec­tive d’un monde qui change ne viendront de nulle part ailleurs que de nous-mêmes. »

Quelle espérance peut naître d’une situation si sombre ? La question s’est également posée au procès des violeurs de Mazan, dans lequel cinquante et un hommes ont été jugés et condamnés en première instance à des peines allant de trois à vingt ans d’emprisonnement pour avoir violé Gisèle Pelicot alors qu’elle était pro­fon­dé­ment sédatée par son mari. La chro­ni­queuse judi­ciaire et des­si­na­trice Marion Dubreuil lui consacre un article : « Je m’accroche à l’espoir d’un chan­ge­ment, écrit-elle. On saura tirer un ensei­gne­ment de ce procès his­to­rique, pas seulement avec l’inscription du consen­te­ment dans la loi, mais surtout grâce à une prise de conscience collective. »

À La Déferlante, pour l’année à venir, nous espérons raconter des luttes vic­to­rieuses et nous voulons aussi prendre soin de nous. Aussi, le prochain numéro com­por­te­ra 16 pages de moins que les pré­cé­dents. Nous avons décidé cette baisse de pagi­na­tion afin d’alléger la charge de travail de notre équipe : moins de pages, ce sont moins d’articles à relire, à corriger, à mettre en maquette. Et, en fin de compte, des cadences plus res­pec­tueuses des temps de vie de chacun·e. Et du temps pour penser l’espoir.

Réservez votre 8 mars !

L’urgence des luttes et la grève féministe seront au cœur de l’événement que nous orga­ni­sons le samedi 8 mars à la Maison des Métallos (Paris). Plus qu’une soirée de lancement du numéro 17 « Travailler », c’est un mini-festival au cours duquel nous vous proposons de nous retrouver après la mani­fes­ta­tion féministe. Au programme : une table ronde réunis­sant mili­tantes et cher­cheuses, un quiz géant organisé par Miskin Télé, un concert et une fin de soirée surprise. Vous retrou­ve­rez aussi un stand proposant nos revues, nos livres, nos goodies. Le tout en présence de l’équipe de La Déferlante au grand complet !

La Déferlante

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Travailler, à la conquête de l’égalité

Retrouvez cet article dans la revue La Déferlante n°17 Travailler, parue en février 2025. Consultez le sommaire.