En 1979, Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir a trente ans. À New York, la célèbre psychanalyste féministe états-unienne Jessica Benjamin décide d’organiser un colloque pour interroger l’actualité de ce qui est devenu un classique de la pensée féministe.
Il se tiendra du 27 au 29 septembre au New York Institute for the Humanities, et s’intitulera sobrement The Second Sex: Thirty Years Later. Simone de Beauvoir n’y participera pas, son compagnon Jean-Paul Sartre étant alors mourant.
Mais quelques mois auparavant, au printemps de cette année-là, Jessica Benjamin et l’écrivaine Margaret Simmons, qui va également participer à l’organisation du colloque, réalisent une interview de l’intellectuelle française désormais septuagénaire. Simone de Beauvoir y clarifie son positionnement dans le champ féministe. Elle qualifie notamment de « séparatisme » ce que l’on nomme alors féminisme différentialiste ou néoféminité, duquel se réclament les écrivaines Antoinette Fouque et Hélène Cixous (1). À ses yeux, si les différences biologiques existent, elles ne doivent pas fonder les différences sociales existant entre femmes et hommes.
Simone de Beauvoir s’inscrit ainsi dans le courant matérialiste du féminisme : celui-ci, à qui la revue Questions féministes sert alors de porte-voix, revendique une analyse marxiste des rapports sociaux de sexe, considérant les femmes et les hommes non comme des entités par nature différentes, mais comme des classes sociales distinctes et hiérarchisées.
Mais dans cet entretien qui tient lieu de préambule à l’organisation du colloque The Second Sex: Thirty Years Later, deux questions sont absentes : celle de la place des lesbiennes dans le féminisme et celle des femmes racisées. Elles seront tout de même soulevées dans le cadre du colloque de septembre, auquel participent deux figures incontournables du féminisme : Audre Lorde et Monique Wittig (2). Dans le programme, il est indiqué que Monique Wittig intervient lors de la troisième session du 28 septembre. Quant à Audre Lorde, présentée comme « consultante », il est prévu qu’elle lise ses poèmes et prenne la parole en tant que « commentatrice », dans le cadre d’une session qui porte sur le personnel et le politique.
Autant de similitudes que de différences
Dans les archives, rien n’indique que Monique Wittig et Audre Lorde aient jamais eu d’échange prolongé, ni même pris un verre ensemble. Pourtant, leurs interventions respectives – « On ne naît pas femme (3) » pour la première, et « Les outils du maître ne détruiront jamais la maison du maître (4) » pour la deuxième – vont faire date dans l’histoire intellectuelle du féminisme.
Issues de la même génération, décédées à dix ans d’écart, Audre Lorde (1934–1992) et Monique Wittig (1935–2003) partagent autant de similitudes que de différences. Audre Lorde se définissait comme « noire lesbienne féministe poétesse mère et guerrière », Monique Wittig comme « écrivain ». Je vois une grande proximité entre celles que Lorde, dans Zami : une nouvelle façon d’écrire mon nom (5), appelle les Zami (reprenant le nom donné sur l’île de Carriacou, en mer des Caraïbes, aux femmes qui sont amies et amantes) et la communauté des « guérillères » à qui Wittig (6), dans son roman éponyme marquée par une grande inventivité formelle, donne le statut de sujet collectif lesbien. Peu avant sa mort, Lorde se rebaptise Gamba Adisa, qui signifie « guerrière : celle qui sait se faire comprendre ».
Lire aussi : le portrait consacré à Monique Wittig par Ilana Eloit dans La Déferlante n° 2, juin 2021
Des liens existent entre la pratique de la « biomythographie », revendiquée par Lorde dans l’écriture de Zami…, qui mélange mythe, histoire et biographie, et le « si tu ne te souviens pas, invente » de Wittig dans Les Guérillères. Ce sont leurs manières de rendre explicites la subjectivité inhérente à tout récit et la nécessité de reprendre le pouvoir par les mots. Ou encore leurs allers-retours constants entre théorie et littérature/poésie, avec la croyance qu’elles accordent aux pouvoirs de la langue : « Redoutez la dispersion. Restez jointes comme les caractères d’un livre. Ne quittez pas le recueil », écrit Monique Wittig dans Les Guérillères. Dans leur conception de la politique comme une activité qui engage le corps autant que l’esprit : « La mode est maintenant à la séparation du spirituel (psychique et émotif) et du politique, à les considérer comme contradictoires et antithétiques. “Qu’est-ce que vous voulez dire, une poétesse révolutionnaire, une trafiquante d’armes contemplative ?” » raille Audre Lorde (7).
Ce qui les sépare cependant, c’est la difficulté ou l’impossibilité pour les féministes blanches de prendre en compte la spécificité de l’expérience noire. Toutes les femmes ne subissent pas l’oppression à parts égales. Employer la métaphore de la race ou de l’esclavage comme décalque parfait de l’expérience faite par toutes les femmes du sexisme ou de la lesbophobie, c’est invisibiliser doublement les femmes de couleur.
Un colloque féministe sans femmes noires ?
Revenons au colloque de 1979. Dans les archives de la célèbre historienne féministe américaine Joan W. Scott, j’en ai retrouvé le programme ainsi qu’un livret comprenant l’ensemble des textes des interventions. Il avait été envoyé quelques semaines avant aux personnes inscrites, afin d’éviter « les longues périodes pendant lesquelles la vaste audience écoute assise et passive la lecture des interventions », ainsi que le précise en introduction le comité d’organisation. Il s’agissait de pouvoir passer rapidement à la discussion entre le public, l’intervenante et les commentatrices, de plonger dans le vif du sujet.
Vers la fin de leur texte, les organisatrices avertissent : « Les plus grands problèmes auxquels nous nous sommes confrontées furent la similitude de notre milieu et de nos réseaux, ainsi que celle de nos points de vue. Que nous travaillions ou non à l’université, nous avons toutes passé une grande partie de notre vie dans des environnements universitaires, et la plupart des femmes que nous connaissions y travaillaient. Ainsi, malgré nos convictions rebelles et révolutionnaires, il nous était terriblement difficile de sortir d’une orientation de classe moyenne. Et nous étions toutes blanches. En essayant d’attirer des femmes d’origines différentes, nous avons appris à quel point il était problématique de ne pas les avoir incluses dans le processus même de planification. »
« L’autre aspect important de la conférence, c’est le constat une fois de plus douloureux de la coupure entre les féministes blanches et noires. »
MONIQUE WITTIG
À ce stade de l’envoi du programme et de l’ensemble des articles auprès des personnes inscrites, la trajectoire de la conférence était déjà dessinée. Une unique intervention, « Both and », donnait la parole à deux femmes noires universitaires : Camille Bristow et Bonnie Johnson. Dans le livret du colloque, l’écrivaine et chercheuse Carol Ascher raconte comment les organisatrices y ont intégré Bonnie Johnson : « Je suis assise autour de la table avec toutes les femmes (blanches) organisant la conférence de Beauvoir. Nous n’avons pas trouvé les femmes noires dont nous avions besoin. […] Cela fait des semaines que je me retiens, que je ne veux pas faire jouer mon amitié avec Bonnie. Mais finalement, je décide de le faire, je dis : “J’ai une amie, Bonnie, elle pourrait intervenir”. Tout le monde est soulagé. » C’est probablement Bonnie Johnson qui suggère ensuite Camille Bristow.
Des effets de marginalisation multiples
L’avertissement formulé par le comité d’organisation dans l’introduction du programme sonne davantage comme une excuse que comme un objet de réflexion, puisqu’il leur restait encore du temps pour travailler à réparer cette absence. La présence de Bonnie Johnson et Camille Bristow a procuré à ces universitaires blanches un soulagement qui a dû leur sembler momentanément suffisant.
Une fois sur place, rien ne semble avoir été imaginé pour pallier les problèmes évoqués en amont, ainsi qu’en témoigne la célèbre intervention d’Audre Lorde qui vient clore le colloque. Dans un enregistrement audio de la conférence disponible en ligne sur Lesbian History Archives, elle explique d’une voix ferme et posée : « J’ai accepté […] de participer à cette conférence, étant entendu que je commenterai les articles traitant du rôle de la différence dans la vie des femmes américaines ; différences de race, de classe, de sexualité. […] L’absence de toute prise en considération de la conscience lesbienne ou de celle des femmes du tiers-monde crée un vide dans nombre de ces articles, un vide dans le traitement que nous infligeons au personnel et au politique. » Seule consultante noire du colloque, elle s’insurge : « Est-ce que deux coups de fil équivalent à une consultation ? Suis-je la seule source susceptible de nommer des féministes noires de notre pays ? » Dire qu’on ne sait pas vers qui se tourner, souligne Audre Lorde, est un geste d’esquive similaire à celui qui referme toutes les portes au nez des femmes noires, qu’il s’agisse d’un colloque, d’un magazine ou d’une salle d’exposition.
Au premier jour du colloque, une autre femme noire prend néanmoins la parole. Susan McHenry, qui travaille alors à la rédaction du magazine féministe Ms., n’était pas prévue au programme, mais la journaliste et théoricienne féministe Robin Morgan, autrice de la célèbre anthologie Sisterhood is Powerful (8) et modératrice d’une des sessions du colloque, exige qu’elle monte sur scène. Dans son intervention, Susan McHenry reproche à Simone de Beauvoir de s’être contentée de passer par l’analogie dans Le Deuxième Sexe, c’est-à-dire de mentionner, mais sans la développer, la situation des personnes de couleur. Robin Morgan va quant à elle dénoncer à la fois l’absence des femmes noires, la surreprésentation des universitaires, qui laisse dans l’ombre l’apport théorique des activistes, et la mise au placard des lesbiennes au sein du colloque. De fait, la marginalisation des enjeux propres aux femmes noires et aux femmes lesbiennes est manifeste dès que l’on parcourt les vingt-trois interventions retranscrites dans le livret : six d’entre elles évoquent la condition des lesbiennes, trois celle des femmes noires, et deux celle des lesbiennes noires.
Comme Robin Morgan et Susan McHenry, Monique Wittig et Audre Lorde contribuent à mettre en lumière les dynamiques d’invisibilisation.
Des minorités silenciées
Dans son article « On ne naît pas femme » publié dans le livret du colloque, Monique Wittig cite la sociologue Colette Guillaumin (9) et rappelle que la race, au même titre que le genre, est une invention : « Ce que nous croyons être une perception directe et physique n’est qu’une construction mythique et sophistiquée, une “formation imaginaire” qui réinterprète des traits physiques à travers le réseau de relations dans lequel ils sont perçus. (Ils/elles sont vus noirs, par conséquent ils/elles sont noirs ; elles sont vues femmes, par conséquent elles sont femmes. Mais avant d’être vu(e)s de cette façon, il a bien fallu qu’ils/elles soient fait(e)s ainsi.) » Après avoir dénoncé cette fabrique imaginaire de la catégorie « femmes », Monique Wittig affirme que les lesbiennes ne sont pas des femmes. Elles ne peuvent s’en sortir qu’en tuant le mythe de « la femme » véhiculé par la société patriarcale.
Lire aussi : l’article « Déconstruire le racisme » consacré à Colette Guillaumin dans La Déferlante n° 3, septembre 2021
Voilà une manière de répondre frontalement au féminisme différentialiste qui survalorise le féminin en passant sous silence le rôle politique du lesbianisme et qui, à ce colloque, est notamment représenté par l’écrivaine Hélène Cixous.
Dans un compte rendu de l’événement, on trouve trace de la vivacité de cette confrontation : « Le mot “féminisme” est négatif, a déclaré [Hélène Cixous] au cours de la discussion. […] “Je crains qu’en nous débarrassant de la femme faite par l’homme, nous nous débarrassions de la femme faite par la femme”, a déclaré Mme Cixous. Elle a également déclaré que les femmes françaises pouvaient aimer des femmes, mais qu’elles ne devaient pas employer le mot “lesbienne”, qui porte des connotations négatives en France. “Quelle France ?!”, s’est exclamée Monique Wittig, sautant de son siège au fond de la salle. “C’est un scandale” (10). »
« L’absence de toute prise en considération de la conscience lesbienne ou de celle des femmes du tiers-monde crée un vide dans le traitement que nous infligeons au personnel et au politique. »
AUDRE LORDE
Mais si la faible prise en compte du lesbianisme comme position stratégique du féminisme indigne Monique Wittig, il est un autre scandale sur lequel elle ne s’attarde pas au cours de son intervention : la non-représentation des femmes de couleur. Comme entre parenthèses, ce colloque s’est ouvert et refermé sur les mêmes questions, Susan McHenry et Audre Lorde ont pointé les mêmes absences, les mêmes effacements par la violence. Les deux interventions les plus critiques ont émané le premier jour d’une femme noire qui n’avait pas été invitée et le dernier jour d’une femme noire lesbienne qui n’avait qu’un rôle de commentatrice à tenir. Elles ne s’en sont pas tenues au script, elles n’ont pas tenu leur langue, elles se sont tenues droites face à un parterre composé de 800 à 1 000 femmes majoritairement blanches pour leur demander de réfléchir autrement.
Dans une lettre publiée bien plus tard, en 2000, par l’organisatrice du colloque Jessica Benjamin, celle-ci se souvient : « Pendant et après le discours d’Audre, Monique Wittig est allée se placer juste en dessous de l’estrade (qui était assez haute) et, en se tordant les mains, elle a supplié Audre de changer de tactique et d’user de son influence pour faire également évoluer le public (11). » C’est là l’unique trace d’interaction que j’ai pu rencontrer dans le cadre de mes recherches.
Faire passer le message
Le 1er octobre 1979, Monique Wittig adresse une lettre à Simone de Beauvoir pour lui raconter ce colloque auquel la philosophe n’a pu assister. Voici la correspondance de Wittig, que m’a transmise Marine Rouch, chercheuse en histoire contemporaine et spécialiste de Simone de Beauvoir : « Ce qu’on appelle “cultural feminism” ici [aux États-Unis, où Monique Wittig vit depuis 1976] et “néoféminité” en France a été attaqué pour la première fois ouvertement. L’autre aspect important de la conférence : le constat une fois de plus douloureux de la coupure entre les féministes blanches et noires, avec de la part de ces dernières, des discours violents, urgeant les féministes blanches de prendre position sur le racisme. »
Cette lettre signale qu’un message a bien été passé mais aussi qu’il a semblé avoir été délivré dans la violence. La violence n’est pas celle des mots de Susan McHenry ou d’Audre Lorde mais plutôt l’amplitude nécessaire pour que ce message soit entendu. Message dont les échos n’ont pas fini de retentir et qui doit être répété sans cesse, aujourd’hui encore, puisque comme l’écrit la dramaturge afro-féministe Rébecca Chaillon, qui travaille notamment sur les représentations des femmes noires : « Tout prend du temps. Tout se meut lentement (12). » •
Hormis l’extrait de l’intervention de Monique Wittig, toutes les citations extraites du livret ou du colloque sont traduites par l’autrice de l’article.
WITTIG, UNE ENQUÊTE LITTÉRAIRE
Vingt ans après sa mort, l’intérêt suscité par l’œuvre de Monique Wittig va croissant. Pour parler de l’écrivaine et militante féministe, Émilie Notéris, dans un ouvrage sobrement intitulé Wittig (Les Pérégrines, 2022), s’est livrée à une véritable enquête littéraire, amassant un matériau d’archives considérable. Elle pointe, avec d’autres, l’un des aspects problématiques de l’œuvre wittigienne, qui dresse une analogie entre la figure de la lesbienne et celle de l’esclave marronne, celle qui est parvenue à échapper à son maître et à conquérir sa liberté. L’image neutralise les enjeux raciaux et la spécificité du vécu des femmes afro-descendantes, dont l’histoire, contrairement à celle des femmes blanches, est marquée par l’expérience esclavagiste et l’oppression raciste.
Aux yeux d’Émilie Notéris, le colloque de 1979 est représentatif d’une telle invisibilisation des femmes noires. Outre le récit qu’elle en fait dans nos pages, elle en a tiré la matière d’une performance, Zamicalement vôtre, présentée au Centre Pompidou (Paris) en septembre 2023, et dans laquelle les comédiennes Tahnee et Héloïse Belhôte endossent respectivement les rôles d’Audre Lorde et Monique Wittig. L’illustration de Maya Mihindou page 143 a été réalisée dans le cadre de cette performance.
Travailleuse du texte, Émilie Notéris est traductrice et autrice. Elle a entre autres publié Macronique. Les choses qui n’existent pas existent quand même (Cambourakis, 2020) et Wittig(Les Pérégrines, 2022).
Dessinatrice, graphiste et photographe, Maya Mihindou a notamment illustré Contrechant, une anthologie de poèmes d’Audre Lorde (trad. collectif Cételle, éditions Les Prouesses, 2023).
(1) Essayiste, éditrice, Antoinette Fouque (1936–2014) est la figure centrale du féminisme différentialiste (dit aussi essentialiste) français, qui défend l’existence de deux sexes intrinsèquement différents. Née en 1937, Hélène Cixous s’inscrit dans ce courant en défendant l’idée d’un mode spécifiquement féminin d’écriture.
(2) Lire dans La Déferlante n°1, mars 2021, la présentation de l’œuvre d’Audre Lorde, et dans La Déferlante no 2, juin 2021, le portrait consacré à Monique Wittig par Ilana Eloit.
(3) Lire le recueil La Pensée straight (éd. Amsterdam, 2018).
(4) Voir le recueil Sister Outsider, trad. Magali C. Calise, Mamamélis, 2003.
(5) Zami, une nouvelle façon d’écrire mon nom (Zami: A New Spelling of my Name), trad. Frédérique Pressmann, Mamamélis, 1re éd. 1998, rééd. 2001.
(6) Les Guérillères, Minuit, 1969.
(7) « Les usages de l’érotique, l’érotique comme puissance » (trad. Magali C. Calise), Sister Outsider, Mamélis, 2003. L’autrice de l’article modifie ici légèrement la traduction originale, préférant « poétesse » et « trafiquante » à « poète » et « trafiquant ».
(8) Publié en 1970 chez Random House, non traduit en français, ce recueil rassemble des textes caractéristiques de la vague féministe des années 1960.
(9) Sociologue française, Colette Guillaumin (1934–2017) a livré des analyses qui ont fait date sur le genre et la race comme constructions sociales. Lire La Déferlante n° 3, septembre 2021.
(10) Carol Ann Douglas, « 2nd Sex 30 Years Later: Feminist Theory Conference », Off Our Backs, déc. 1979. Traduction de l’autrice, Émilie Notéris.
(11) Jessica Benjamin, « Letter to Lester Olson », Philosophy & Rhetoric, vol. 33, no 3, Penn State University Press, 2000.
(12) Rébecca Chaillon, Boudin Biguine Best Of Banane, L’Arche, 2023.