Home, sweet home. L’expression est difficile à traduire sans convoquer l’imagerie propre aux feel good movies anglo-saxons : quelques marches qui mènent à la porte d’entrée. Des canapés douillets. Une cuisine ouverte sur le salon. Un grand escalier qui monte vers la chambre des enfants et celle du couple parental – hétérosexuel, la plupart du temps.
Au-delà des représentations classiques du foyer, les quatre murs d’un logement peuvent aussi être un refuge pour les exilé·es, les sans-abri qui en ont été privé·es et toutes les personnes victimes de violence dans l’espace public – les femmes, les personnes LGBT+, les personnes handicapées. « Habiter, c’est pouvoir rester, propose l’écrivaine Diaty Diallo dans ce dossier, c’est se sentir en sécurité ».
Pourtant, il y a trois ans, à la suite de l’irruption d’une pandémie mondiale, certains lieux d’habitation se sont refermés sur leurs habitant·es. Le confinement et les couvre-feux ont agi comme un révélateur des inégalités de genre, de classe sociale, de race, de condition physique face au logement. Notre lieu de vie nous est apparu pour ce qu’il est aussi : un mode d’agencement des existences qui utilise le bâti comme un moyen d’attribuer et de hiérarchiser les rôles sociaux. Près d’une femme en couple sur dix dit avoir été victime de violences pendant cette période(1).
Ces lieux dont nous tentons de faire des espaces safe ont d’abord été pensés pour enfermer les femmes et les personnes minorisées. Tout au long de l’histoire, ce sont surtout des hommes qui n’ont eu de cesse de penser l’agencement et l’accessibilité des habitations, des quartiers et des villes depuis leur vécu et leurs propres privilèges.
Dans les appartements modernes et les maisons modèles reproduites à l’infini jusqu’à l’orée des campagnes, les femmes sont à l’étroit, les personnes handicapées restent à la porte, et les familles, quand elles excèdent le format « un papa, une maman, deux enfants », doivent pousser les murs.
Alors, il nous faut nous poster à la fenêtre de ces logements, respirer un peu d’air frais et repenser nos manières d’habiter en tenant compte des logiques de domination. Car même à l’abri, il faut continuer à lutter.
Marion Pillas est corédactrice en chef de La Déferlante
(1) Selon un sondage réalisé par l’Ifop pour la Fédération nationale Solidarité Femmes, mars 2021